Pourrait-on s’imaginer un parc ou un jardin constitué de textes, un hommage à la littérature, à la poésie, à la lecture, aux langues du monde et aux mots auxquels on tient parce qu'ils font justement tenir un monde en lequel nous croyons. Les mots « ports », « ouverts », « public », « accueil », « solidarité », « hétérogénéité »... entre autres et entrelacés dans des langages, dialectes, idiomes multiples.
Pourrait-on dessiner un parc qui échappe ainsi au parcage tel qu'il vaut actuellement comme dessin dominant de nos espaces non plus publics mais policés et policiers au sein desquels chacun est assigné, identifié, séparé ? Un parc qui, à l'inverse, n'existerait qu'à condition de la pluralité de son peuplement fait tout autant des humains que des mots qui les supportent, des visages que des lettres mouvantes. Un parc étendu à la ville, un parc-cité, un parc-monde, un parc qui s'écrit avec tout le monde ou avec le Tout-Monde qu'a inventé Edouard Glissant comme pour sauver l'hétérogénéité du monde de la prédation homogénéisante perpétrée par la globalisation.
Pour faire tenir ce parc, il faudrait en jardiner les occupant.e.s : les écrits divers et résistants comme les plantes vagabondes et saxifrages. On lui donnerait soin et attention, non pour qu'il « produise » et soit rentable, mais pour qu'il nous restitue plutôt un rapport au temps long, au temps non urgent et permettant qu'enfin « nous » nous rencontrions vraiment. Un temps de la culture qui, cette fois, nous cultiverait parce qu'il nous rappellerait que la culture n'est pas affaire de patrimoine et de préservation des origines mais au contraire co-action, co-fabrication, co-occupation. Tout ce qui s'inscrirait là, dans une langue, une sensibilité, une esthétique singulières, le serait aussi dans d'autres selon un principe de traduction activé en diverses directions.
Il ne s'agirait donc pas simplement de rêver ce parc et encore moins de le théoriser ou le « programmer » en misant sur son efficacité. Il s'agirait de le peupler et, ainsi, de le faire exister selon un principe cher aux jardiniers : la circularité. Ce qui est planté, crée à son tour et demande à être récolté, déplacé pour revenir autrement... on ne cesse de passer des pensées aux gestes, des mots aux actes, des apparitions nouvelles et « étrangères » à des formes de rencontres qui « nous » modifient.
Ainsi nous imaginons ce parc à l'articulation de processus réflexifs, discursifs, poétiques et politiques. Différentes disciplines seront donc invitées à partager des hypothèses et à les voir être déplacées par des réapppropriations diverses allant de la traduction orale à la transposition des mots dans l'écrit physique en passant par des formes de performances variées. Le long de ces circulations et circularités, il s’agirait de comprendre les avantages d’un espace public ouvert sur le monde et la symbolique de cette approche linguistique mais aussi de faire l'expérience immédiate de ses apports en termes de transmissions, d'échanges nouveaux, de rapprochements inattendus. Nous souhaitons en ce sens inviter, en plus des philosophes, linguistes, pédagogues, poètes, calligraphes et designers, des écoles et écoliers, des initiatives citoyennes, des créateurs d'espaces publics en ce qu'ils permettent, dans leurs actions diverses, que quelque chose comme un « commun non comme Un » existe.
Nous inviterons les un.e.s et les autres à traiter des langues désirées, des langues héritées, de celles qui furent transportées et qui nous relient à un ailleurs, des langues invasives et de celles en danger qui (re)présentent des minorités. En inscrivant tout ce qui semble avoir de moins en moins droit à l’inscription, nous aborderons aussi, et en les expérimentant directement, les questions du support (la ville), du texte (sa fonction et son mode d’expression), de la poétique, de la typographie et des techniques d’inscription.
Adossé à un séminaire, il serait intéressant de faire un travail plus large, un travail de recherche nourrissant le sujet et surtout une expérimentation plastique le temps du séminaire (écrire à travers le monde ou langue du monde inscrit en un lieu symbolique : le Palais de la Porte Dorée).
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Pour découvrir le projet "Inscriptions en relation", vous pouvez consulter le site civic-city.org
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